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Posture et création de valeur : « les pépites », un film inspirant

Fin 2016, je me suis fait un cadeau : je suis allée voir le film de Xavier de Lausanne intitulé « Les pépites ». Quel beau titre pour un documentaire qui témoigne de l’aventure édifiante d’un couple hors norme !

Il y a 25 ans, tout juste retraités, Christian et Marie-France des Pallières découvrent le quotidien inhumain des enfants chiffonniers d’une décharge de Phnom-Penh, au Cambodge. Dans une odeur insoutenable, la nuit comme le jour, pour se nourrir et survivre, ces enfants aux pieds nus et aux yeux hagards sont contraints de fouiller les déchets. Certains y laissent leur vie dans des conditions atroces et le plus total anonymat.

C’est sans compter sur ces deux modestes héros, qui d’étape en étape et sans préméditation, vont changer la vie de plus de 10 000 enfants.

Mais quelles sont ces Pépites et que nous enseignent-elles ? Il y en a beaucoup dans ce film qui a bouleversé le public, j’en retiendrai trois.

  • Pépite n°1 : partout et tout le temps, tout est question de posture

Marie-France et Christian n’étaient pas destinés à une telle aventure : « On a trouvé un terrain à vendre…, on n’avait jamais rien construit…, on sentait bien qu’on partait dans une aventure ». Comme beaucoup de bénévoles engagés, ils sont avides de partages et de rencontres, dotés d’une ouverture exceptionnelle sur l’autre, ils sont curieux de comprendre les différences. Et surtout, ils sont tendus par l’envie de vivre leurs rêves : « S’il n’y pas de rêve dans la vie, il n’y a pas de vie ».

C’est cette croyance profondément enracinée en eux qui les conduira à lâcher prise face aux difficultés de la vie, à se faire confiance, à faire le tour du monde en camping-car avec leurs 4 enfants, et bien plus tard, à créer au Cambodge un centre éducatif permettant de scolariser des enfants, mais aussi de soigner et de former les jeunes au métier de leur choix parmi les 28 proposés, bref, de leur permettre aussi de rêver et de reprendre goût à la vie.

  • Pépite n°2 : Les émotions sont un formidable carburant

Dans le documentaire, alors que la décharge est fermée depuis longtemps, Christian prononce une phrase assez énigmatique pour moi alors. Avec nostalgie, il fait référence à l’odeur de la décharge qui lui manque. Puis j’ai compris : ce qui va surtout amener ce couple à vendre tous ses biens en France pour changer complètement sa destinée, c’est sa capacité à s’indigner face à l’intolérable : « Nous avons vu les enfants manger dans les ordures de la décharge de Stung Meanchey. C’était à hurler ! Il n’était pas possible, après avoir vu cela, de continuer à vivre normalement. Il fallait faire quelque chose ».

C’est la découverte de cet enfer (odorant) qui a donné l’idée aux Pallières de construire une petite paillote à côté de la décharge pour procurer un repas par jour aux enfants. Disons plutôt : ce sont les émotions suscitées par cette découverte, la stupéfaction, l’horreur, l’indignation, la colère qui les pousseront à agir de façon rapide pour répondre à un premier besoin élémentaire de ces enfants : manger. Et l’odeur, comme une empreinte indélébile, fixera pour longtemps ces émotions et donc ce désir irrépressible d’agir pour se battre contre une réalité insupportable et progressivement la transformer.

C’est ce qui rend le film terriblement attachant et instructif : la mise en image des émotions qui relient les personnes à des histoires, à des lieux, à des événements et bien sûr à d’autres personnes.

Il montre comment deux individus, guidés uniquement par leurs croyances, leurs valeurs et leur boussole des émotions vont agir pour révolutionner la destinée de ces enfants. Tout cela à un moment où pour beaucoup, c’est presque la fin : la retraite.

  • Pépite n°3 : la rencontre et l’écoute, les meilleurs leviers pour créer de la valeur

Marie-France et Christian ont un énorme atout : ils ne jugent pas, ils cherchent à comprendre et à créer la relation : « Faire de chaque jour une surprise, de nouvelles rencontres ». C’est cette intelligence de la relation qui leur permettra d’être patients dans le contact avec ces enfants effarouchés, qui n’ont plus confiance en personne. De comprendre que non, contrairement à ce que l’on aurait pu croire, les enfants n’ont pas besoin d’une charrette pour transporter les déchets : ils veulent simplement aller à l’école, il suffisait de leur demander. Oui les parents et autres adultes maltraitants sont aussi des victimes, la guerre est passée par là, comment leur faire accepter la perte économique liée à ces enfants qui ne travaillent plus mais vont dorénavant à l’école : en leur distribuant des sacs de riz tous les mois en échange de cette scolarisation, en alphabétisant les mères… Comment rendre pérenne l’association grandissante, placée au cœur de la vie locale ? En confiant son administration et ses principales missions aux acteurs locaux : « On ne pouvait pas le faire sans les Cambodgiens ».

Mués par un désir de rencontrer et de venir rapidement en aide, Marie-France et Christian ne font pas les réponses, ils ne pensent pas à la place de l’autre, ils ne cherchent pas avant tout à être pédagogues pour expliquer : ils vivent sur place, ils prennent le temps de l’observation, ils vont vers l’autre. Ils posent des questions simples et écoutent les réponses sans apriori, sans connaissance préalable, ni jugement. Avec une intelligence des situations sans pareille, à chaque étape, face à chaque nouveau défi qui ne manque pas de se présenter, ils incluent toutes les parties prenantes pour des propositions plus pertinentes, répondant au mieux aux besoins exprimés : enfants en premier lieu mais aussi parents, enseignants, médecins, formateurs, assistants sociaux, élus et acteurs locaux, donateurs…

N’est-ce pas tout cela aussi manager et plus largement entreprendre : une posture, c’est-à-dire une manière d’ETRE, en lâchant prise face à la complexité, en se faisant confiance en dehors de toute expertise, en s’appuyant sur ses valeurs et ses croyances fortes, sur soi, sur les autres et sur la vie, et surtout en étant profondément habité par la volonté d’infléchir une réalité non satisfaisante, là où d’autres, avec fatalisme, ne voient aucune marge de manœuvre ? Souhaitons-nous pour 2017 de multiples occasions de mettre en œuvre ces enseignements tous ensemble, pour améliorer modestement et efficacement nos environnements proches et par là-même notre monde.

Pour visiter le site de l’association « Pour un Sourire d’Enfant » :

http://www.pse.ong/fr

http://www.pse.ong/sites/default/files/EXTRAIT_ALBUM_LES_PEPITES.pdf

Pour voir la bande annonce du film :

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19563848&cfilm=246461.html