|

Permettre l’accélération de l’entreprise et ne pas lâcher la main de la Reine Rouge

L’ère du progrès exponentiel 

La terre a 5 milliards d’années. Si son âge représentait la distance Paris – Lyon (500 km), l’arrivée de l’homme ferait 500 m, l’arrivée de l’écriture 50 cm et le dernier siècle 1 cm. Et pourtant, depuis ce dernier siècle, l’humanité a vu se concentrer la moitié de ses progrès. 50 % des savants que le monde a connu vivent aujourd’hui. Nous sommes à l’ère de la verticalité du progrès. Les sciences s’entrelacent, s’enrichissent et autorisent des innovations inédites : applications géolocalisées, robots, imprimantes 3D, objets communicants, reconnaissance vocale, drones, domotique, train supersonique, fibres optiques, satellites, laser, microtechnologie, génome.

L’ère de l’accélération

Au-delà de l’ère du progrès, nous sommes aussi à l’ère de l’immédiateté, de l’obsolescence, de l’éphémérisation et de l’accélération

Les principaux accélérateurs :

  • La quantité colossale d’informations disponibles,
  • La rapidité d’accès en mobilité à ces informations,
  • L’accès libre et immédiat à la connaissance et à la communication,
  • Nos nouveaux rapports à l’espace, au temps et à l’autre.

Nos métiers changent en quelques années, les machines en quelques mois, les traditions et les savoir-faire disparaissent, le court terme règne, les changements s’enchaînent.

Comment les entreprises peuvent faire face à cette accélération inouïe ?

Lewis Carroll, dans son célèbre livre « Alice au pays des merveilles – De l’autre côté du miroir », écrit une scène décrivant à merveille la théorie de la Reine Rouge : Alice et la reine se lancent dans une course effrénée, Alice demande alors : « Mais, Reine Rouge, c’est étrange, nous courons vite et le paysage autour de nous ne change pas ? ». Et la reine répondit : « Nous courons pour rester à la même place ».

La théorie de la Reine rouge est, en fait, une théorie de biologie évolutive de Leigh Van Valen (1972) qui formalise la co-évolution des prédateurs et de leurs proies. Si une proie connaît une évolution favorable, ses prédateurs vont évoluer à leur tour jusqu’à annuler le bénéfice de cette évolution.

Si on transpose cette théorie au paysage concurrentiel des entreprises, les petits progrès sont très vite rattrapés par les concurrents qui s’adaptent rapidement et ces progrès sont finalement sans bénéfice réel. Chacun aura donc couru pour rester sur place puisque ni sa part de marché ni ses marges n’auront réellement ou durablement bénéficié de l’évolution.

Pour que l’hypothèse de la Reine Rouge ne s’applique pas, il faut que l’évolution soit suffisamment disruptive pour provoquer un bénéfice évolutif tel que les prédateurs n’aient pas le temps ou la possibilité de s’adapter (comme Apple avec l’iPhone). En fait, les espèces qui s’éteignent sont celles qui « lâchent la main de la Reine Rouge », c’est-à-dire qu’elles se font distancer par les espèces avec lesquelles elles sont en concurrence et, au-delà d’un certain écart, ne peuvent plus rattraper leur retard d’adaptation. Le monde économique actuel regorge d’exemples d’entreprises qui s’éteignent, notamment devant l’émergence d’entreprises aux nouveaux business model très disruptifs.

Alors, doit-on courir plus vite pour faire face à l’accélération du progrès et aux défis des entreprises novatrices ?

Le petit Robert donne la définition suivante au mot « courir » : se déplacer rapidement, en s’appuyant alternativement sur une jambe puis sur l’autre.

Quelles sont donc alors les jambes sur lesquelles s’appuie alternativement l’entreprise pour se déplacer rapidement afin d’assurer sa survie, de réussir son adaptation et de provoquer un bénéfice évolutif ? Quelques pistes efficaces : 

  • L’innovation,
  • Le digital,
  • La maîtrise et l’exploitation de l’information,
  • Son agilité,
  • Sa synchronisation,
  • Son appétence au changement,
  • Une nouvelle organisation polyarchique permettant déconcentration, responsabilité et réactivité,
  • Une nouvelle culture organisationnelle,
  • Sa centration client,
  • Son business model.

En fait, la complexité de cette accélération repose souvent sur la capacité des entreprises à combiner de façon systémique ces différentes pistes (et d’autres encore). C’est pourquoi cette accélération est difficile.

Le défi majeur : s’adapter rapidement ET correctement

Finalement, peut-être que l’essentiel, comme dit Hubert Landier dans son ouvrage « L’entreprise polycellulaire », n’est pas de permettre à son entreprise de bouger vite, mais de bouger vite ET bien : « L’aptitude à la survie, dans un environnement changeant et ouvert à de nombreux compétiteurs, est conditionné par la capacité de l’entreprise à s’adapter, à la fois rapidement et correctement à l’évolution de la situation. Une adaptation correcte peut cependant être fatale si elle intervient trop tard et une adaptation rapide peut n’être d’aucune utilité si elle ne débouche pas sur des solutions pertinentes ».

Bonne course à vous tous !